Pistard, routard, combinard, sauteur, lanceur, jeune, compétition, loisir, haut niveau, découverte, nature, ville. Autant de mots à combiner qui, au sein des près de deux mille clubs, font l’athlétisme en France. Parmi les rouages essentiels de chaque structure, l’entraîneur, quel que soit son profil, occupe une place à part. Rencontre avec Patrick Bringer, 44 ans, entraîneur au Clermont Athlétisme Auvergne.
A écouter Patrick Bringer, traileur et entraîneur, on a l’impression de retrouver ce sentiment de liberté qui a gagné les amoureux du bitume il y a plus de trente ans maintenant. La différence ? La nature montagneuse, ses dénivelés et ses grands espaces. Alors forcément, ses propos sentent bon l’athlétisme du petit matin, du thé chaud, de la déconnexion et de la convivialité.
Double médaillé mondial (2011 et 2015), il connaît bien le haut-niveau, mais ne s’arrête pas à ça : en plus de son groupe de traileurs clermontois, et de quelques coureurs de bon niveau qu’il entraîne à distance, comme le champion de France 2017 Nicolas Martin, il encadre aussi bénévolement des benjamins et minimes au sein du Clermont Athlétisme Auvergne, trois fois par semaine. Avec le même plaisir.
Jaimecourir.fr : Votre définition de l'entraîneur ?
Un entraîneur accompagne l'athlète dans son projet sportif mais doit aussi englober les autres aspects de la vie dans ce projet. Pour réussir, l’athlète doit être en équilibre avec sa vie personnelle et laisser le sport à sa place. Il doit savoir que, même s’il prend du temps, le sport reste secondaire. La question est donc de voir avec l’athlète, le temps que son projet va prendre sur le reste. Le coach doit bien cerner la personnalité de chacun, échanger, motiver et ne pas fixer de limite.

Finalement, bien au-delà des compétences physiologiques et techniques, la dimension humaine est un élément crucial et même déterminant pour être un entraîneur de qualité. Du côté technique, être entraîneur de trail implique aussi forcément une connaissance notable de l'entraînement croisé, des stratégies de ravitaillement, sur lesquelles on fait de vraies séances pour habituer son organisme à manger et boire dans des conditions pas toujours optimales, des méthodes de renforcement musculaire, etc.
Entraîneur à Clermont-Ferrand c'est plus dur qu'ailleurs ?
Non, c'est même beaucoup plus facile. Nous avons une palette totale et complète de terrains à disposition : de la moyenne montagne, des forêts, des bosses de tous pourcentages, de toute longueur (jusqu'à 1000 m de dénivelé positif) et de toute technicité, beaucoup d'épreuves variées. Nous disposons également du massif du Sancy à moins de 45' de voiture et d’une piste indoor, avec le Stadium Jean-Pellez, permettant de faire les séances de VMA, de technique et de renforcement. On peut donc dire que c'est l'un des endroits rêvés pour la pratique du trail.
Ce qui vous énerve et vous plaît le plus dans votre fonction ?
Honnêtement, pas grand-chose, si ce n'est les personnes revendiquant réussir sans trop s'entraîner. Tant mieux pour elle si ça marche. Mais il faut reconnaître et mettre en valeur le travail, c'est une valeur sociétale en perte de vitesse et il ne faut pas mentir aux gens. Il faut dire que le travail paye et ne pas avoir peur de se confronter aux obstacles pour y arriver. Pour ma part, entraîner ce n'est pas mon métier mais une passion, certes très chronophage, puisque je reste enseignant en parallèle. J’y trouve un équilibre. « Sortir » du sport, c’est intéressant, car cela remet les choses en place.
Vous êtes un coach "connecté" ou un entraîneur ‘’à l'ancienne" ?
Globalement à l'ancienne, voire très à l'ancienne (rires). J'utilise une interface connectée pour le suivi et la programmation des traileurs que je coache à distance et je sais ce qu'est un GPS, mais pas plus. Franchement, partir courir en montagne en écoutant de la musique, il faut que l’on m’explique l’intérêt. Sur le plan de l’entraînement, il faut savoir rester à l’écoute de ses sensations et sortir du tout connecté, parfois il m’arrive d’interdire les GPS. Personnellement, j’ai participé plusieurs fois aux championnats du monde avec un simple chrono, ça s’est parfaitement déroulé.
Votre plus beau souvenir ?
Au-delà des épreuves de niveau national ou international, puisque j'ai eu la chance d'y emmener des athlètes, j'aime beaucoup vivre l'ambiance des grandes épreuves et
ravitailler les athlètes sur celles-ci. J'ai des centaines de bons souvenirs et aucun ne se détache. Ce sont des sensations, des ambiances qui me marquent plus que les résultats. Etre au petit matin pour un départ dans l’obscurité puis attendre les coureurs au ravito avec mes gamins et sentir la course au plus près, quel régal ! Il y a de l’âme, un peu comme aux championnats de France de cross où il se passe quelque chose.
Quelle est votre relation avec les athlètes ?
J'ai une relation très proche, quasi amicale avec eux. Je ne conçois le métier d'entraîneur qu'ainsi. Je connais assez bien leur vie personnelle, professionnelle, leurs points faibles et forts, et je travaille à partir de tout cela. J'ai souvent de l'admiration pour ceux qui surmontent les grosses déceptions et réussissent ensuite. Chaque relation entraîneur-entraîné est une aventure humaine riche et j'ai noué des relations intenses avec nombre de mes athlètes.
J'apprécie aussi beaucoup de passer du temps avec eux lors des « week-end chocs » que nous pratiquons beaucoup en trail, ce sont de très beaux moments de vie. On part trois jours sur un week-end, tous les profils sont mélangés, on coure ensemble et on se retrouve ensuite pour des moments chaleureux et conviviaux. Le trail en 2019 ressemble à la course sur route d’il y a trente ans, sans chrono, sans jugement, sans dévalorisation, avec une belle ambiance et avec l’aspect nature en plus.
Avez-vous un modèle d'entraîneur, dans l’athlétisme ou dans un autre sport ?
Non, mais je m'intéresse énormément à d'autres sports. Je me suis inspiré de la natation qui maîtrise parfaitement l'affûtage d’avant-compétition par exemple, avec moins de volume et plus d’intensité. Il y a beaucoup à apprendre de la natation et du vélo pour être plus performant en athlétisme, et ceci même chez les jeunes. Avant d’être un traileur, il faut être un athlète, il faut donc bien travailler les bases athlétiques classiques mais s’ouvrir aussi à des méthodes qui permettent de varier les efforts.
Pour donner quelques noms côté athlétisme, j'ai bien aimé la longue association Urtebise - Diagana qui, malgré les déceptions, a continué à travailler ensemble pour de belles performances et de belles valeurs. Je suis également ami avec Philippe Propage et Jean-François Pontier qui, au-delà de leurs qualités d'entraîneur, sont des personnes dotées d'une très grande humanité, d'un grand charisme et surtout d'une immense générosité.
Trois mots pour définir votre groupe ?
Hétérogène. Solidaire. VMA.
Renaud Goude pour J'aime Courir