La montagne, Sylvain Cachard est tombé dedans tout petit, quand il partait sur les sentiers avec ses parents. Quinze ans plus tard, il en a fait plus qu’une passion, son chemin de vie. Rencontre avec un champion d’Europe sensible, qui rêve désormais de conquérir le monde et les sommets.
Après trois titres de champion de France de course en montagne, vous avez été sacré champion d’Europe à El Paso (Espagne) début juillet. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Beaucoup de choses ! C’est d’abord un honneur et une fierté de gagner un titre international. C’est prestigieux. Car c’est la course d’un jour et malgré toute l’énergie que l’on peut y mettre, on n’est jamais sur du résultat. De plus, ça me tenait à cœur de réussir cette année aux côtés de mes amis et de Julien Rançon (21e). C’était en effet le dernier Français à avoir décroché une médaille internationale, en 2006, et c’est lui qui m’a transmis cette passion pour la course en montagne. J’avais vraiment envie de ce petit geste pour lui montrer tout le chemin que j’avais parcouru. Je sais que je suis quelqu’un d’hyper sensible et que je pleure très souvent sur les lignes d’arrivée, mais je me rends compte finalement que toutes ces émotions, lorsque je sais les maîtriser, m’aident aussi à me transcender pour aller trouver les ressources nécessaires. C’est donc un accomplissement dans plein de domaines.
Comment êtes-vous arrivé à la course en montagne ?
J’ai commencé assez tôt. Ma première licence date de mes 13 ans. Mais je faisais déjà beaucoup de sport avant. Mon père vient du cyclisme et ma mère de la natation, j’ai donc très rapidement été sur un VTT à jouer dehors dans la nature avec mon frère. Ma première compétition, c’était du raid multisports. Je devais avoir 8 ou 9 ans et on enchaînait les disciplines VTT, course d’orientation, trail… J’ai tout de suite été passionné par la montagne. L’envie de performance est venue plus tard. J’avais été champion régional de cross et j’étais effectivement doué en course à pied, mais ce que j’adorais par-dessus tout, c’était d’aller courir en montagne avec mes parents. Je pense que j’ai eu la chance de croiser des gens qui ont entendu mon envie de me donner à 100 % et qui m’ont conseillé de faire de la piste pour développer la vitesse. Je suis donc parti en sport-étude dans un lycée de Lozère pour y faire deux années de piste. Mais ça ne m’a pas plu. Je n’aimais pas cet effort trop régulier. Je pense que ma foulée n’est pas faite pour ça. À la fin de la saison de cross, en juniors 1, j’ai donc annoncé à mon coach que je voulais faire de la course en montagne et j’ai décroché ma première sélection en équipe de France juniors.
Étiez-vous déjà conscient à cette époque d’avoir un certain talent pour cette discipline ?
Je ne pense pas que j’étais conscient de mes qualités. J’avais juste un plaisir inouï à faire de la course en montagne. Je me souviens qu’en rentrant du collège, il m’arrivait souvent de demander à ma mère de me déposer en bas d’une montagne pour que je puisse aller découvrir un chemin que l’on venait de me décrire comme très dur. J’avais déjà envie de me dépasser à cet âge-là. Mais c’était plus un mélange de performance et de plaisir, je ne sais pas trop l’expliquer.
Qu’est ce qui vous plait tant dans la course en montagne ?
Cette discipline, c’est le carrefour parfait entre ma passion pour la montagne et mon envie de performance. J’aime cette vie de sportif de haut niveau, mettre toutes les chances de mon côté, réfléchir, m’entourer des bonnes personnes, prendre des conseils à droite à gauche, rencontrer des gens qui ont plus d’expérience que moi pour apprendre d’eux et faire en sorte d’être à fond le jour J. En même temps, je sais que pour être à fond le jour J, j’ai aussi besoin d’être épanoui. Et pour ça, il faut que j’écoute mes envies et que je fasse des choses qui ne sont pas toujours en adéquation avec l’hygiène de vie d’un sportif de haut niveau. Par exemple, une semaine avant les championnats d’Europe, j’étais pas mal fatigué et j’ai décidé de partir avec une amie et mon frère pour faire une randonnée de 4 heures sur une arête escarpée au-dessus de Grenoble. À une semaine d’un objectif compétitif majeur, ce n’était pas vraiment recommandé, mais je savais qu’il fallait que je le fasse, que je m’écoute pour être bien et épanoui le jour de la course.
Vous êtes également un passionné de randonnée, comment le gérez-vous au quotidien avec les entraînements ?
Ce n’est pas la randonnée qui me passionne, c’est le fait de passer du temps en montagne et de le partager avec des amis. Mais ça pourrait très bien être du ski ou de l’escalade… C’est toujours un équilibre difficile à trouver entre le sport de haut niveau et mes envies à côté. Mais je continue de fonctionner au feeling. Ça ne me coute pas tant d’énergie que ça et ça m’apporte beaucoup, notamment en résistance et en endurance. Car lorsque je pars avec des amis, j’avance plus lentement et je travaille donc des filières énergétiques et musculaires différentes de d’habitude. Ça me permet aussi de bosser des choses très techniques. Si j’aime autant les descentes, c’est sans doute aussi parce que je passe beaucoup de temps en montagne.
Pratiquez-vous d’autres disciplines comme le vélo et le ski ?
Oui, je suis un adepte de l’entraînement croisé. Notamment parce que j’aime prendre du plaisir à l’entraînement, et que pour ça, il faut que ça change tout le temps. Sur le plan physique, c’est aussi très intéressant. J’en fais beaucoup pour préparer la saison, en hiver et au printemps. Je peux alors monter à 40 % de sport croisé pour 60 % de course à pied. Puis, au fil de la saison, j’augmente la part de travail spécifique et diminue la part de sport croisé pour finir à 100 % de course à pied à deux semaines de la compétition.
Entre vos études à l’INSA et votre passion pour la montagne, à quoi ressemblent vos semaines ?
J’ai la chance que l’INSA me fasse confiance et me permette de faire une année entière en distanciel. J’ai donc pu revenir en septembre dernier à Grenoble près de mon club et de mes amis, avec lesquels j’ai pu m’entraîner tous les jours. Au quotidien, je m’organisais comme je le voulais dans mon travail, tant que je validais mes crédits et mes cours lors des partiels. Mais pour le reste, je n’avais pas vraiment de planning fixe car j’ai horreur de ça. J’essayais juste de travailler 2 à 3 heures par jour en m’entraînant le matin et en fin d’après-midi. Maintenant que j’ai validé ma quatrième année, il me reste un an à faire dont six mois de cours à Lyon et six mois de stage. Je vais donc repartir à Lyon pendant 6 mois à la rentrée, et je verrai ensuite où et quand placer mes six mois de stages, sans doute à l’automne prochain. C’est important pour moi d’avoir ce diplôme en poche. Car même si je commence à vivre de la course à pied grâce à mes sponsors, j’ai besoin d’avoir cette sécurité derrière pour ne pas me sentir obligé d’aller m’entraîner, sinon ça ne serait plus un plaisir. J’aimerais bien aussi passer un diplôme de coach afin d’accompagner des jeunes et leur transmettre tout ce que j’ai appris. Ca me tient vraiment à cœur.
Quand on décroche le titre européen de course en montagne à 24 ans, à quoi rêve-t-on ensuite ?
À plein de trucs ! Quand j’étais petit j’avais fait une liste de courses que je rêvais de gagner. Et je suis loin d’avoir tout coché ! Cette victoire, c’est une consécration. J’y pensais depuis mon premier titre de champion de France. Mais maintenant, je rêve d’être champion du monde de course en montagne. Je commence à penser que c’est peut-être possible. Et j’ai encore plein d’autres rêves, comme gagner les plus grandes courses de trail au monde sur des formats entre 2 à 4 heures de course, des marathons du Mont Blanc, mais aussi des formats de course plus longs comme les Templiers. Je rêve aussi de remporter des ultras comme l’UTMB, la Hardrock 100 ou la Western States 100. C’est ce qui est chouette avec la course en montagne : si je me débrouille bien et que je ne me blesse pas, que je garde la flamme et que je ne fais pas n’importe quoi avec mon corps, je peux continuer à faire du haut niveau jusqu’à 40 ans. En évoluant peu à peu et en allant progressivement vers des formats plus longs, je pourrai ainsi continuer à transmettre et à vivre des émotions de « ouf » pendant encore très longtemps !
Propos recueillis par Véronique Bury