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Duncan Perrillat : « J’ai besoin de liberté »

Électron libre, un brin têtu, Duncan Perrillat a pris des chemins de traverse avant de revenir à ses premières amours en croyant à nouveau en son potentiel. Crédité d’un record en 2h12’12’’ et champion de France en novembre dernier à Deauville, le Grenoblois de bientôt 30 ans a été contraint à l’abandon récemment lors du marathon de Séville. Il rêve tout de même encore des Jeux olympiques, tout en restant réaliste.

Vous n’avez débuté sur marathon qu’en 2021 et faites déjà partie des meilleurs Français. Quelles sont les raisons de cette ascension fulgurante ?

Je pense que j’avais du potentiel sur le long mais qu’on ne le savait pas encore. Cela concorde pourtant avec ce que je fais à l’entraînement. J’ai toujours été meilleur sur le long ou sur les séances de seuil, même quand j’étais plus jeune. C’est ce que je préférais à l’entraînement. J’avais d’ailleurs toujours tendance à en rajouter. Parfois je faisais même des footings en plus dans la semaine. Juste pour le plaisir d’aller courir. Mais personne ne m’avait conseillé de passer sur marathon à l’époque. On me l’a suggéré pour la première fois en 2020, quand je suis rentré en France après plusieurs années aux États-Unis.

Vous avez commencé l’athlétisme à 12 ans. Racontez-nous vos premières années…

J’ai fait beaucoup de choses avant l’athlé. Du piano, de la guitare, du dessin, du judo, du ski de fond, du saut à ski. J’allais aussi courir le soir avec mon père, qui a toujours été un grand sportif. J’ai découvert l’athlé au collège en participant à mes premiers cross. Comme je me débrouillais bien, j’ai pris une licence dans un club et j’ai touché un peu à tout, les lancers, les sauts, le sprint. La voie classique. Mais je n’aimais pas tout ce qui était technique et je n’étais pas très attentif à ce qu’on me disait de faire. Je préférais courir. C’était là où j’étais le meilleur. J’ai intégré le groupe de demi-fond à la fin du collège.

Rêviez-vous déjà, à l’époque, d’enfiler un jour le maillot de l’équipe de France ?

J’en rêvais au lycée, quand j’ai commencé à grandir et à être meilleur. En juniors, par exemple, j’ai fini 14e des France de cross, mais je visais plus haut après avoir remporté les régionaux et les interrégionaux juste avant devant de bons athlètes. À l’époque, tout le monde me disait que j’avais du potentiel et que je pouvais faire encore mieux si j’étais plus rigoureux à l’entraînement. J’ai donc décidé de suivre une licence de commerce en e-learning après le bac, afin de m’investir davantage dans l’entraînement. Mais cela ne m’a pas réussi.

Pourquoi ?

J’ai commencé à doubler pas mal les entraînements, en allant courir 8 à 12 km le matin de mon côté, et le soir, je retrouvais mon groupe pour me préparer pour des épreuves de demi-fond. C’était sans doute contre-productif, d’autant que je n’en parlais pas à mon coach. En tout cas, ça n’était pas la bonne solution. J’ai arrêté de progresser et de croire en mes capacités. En troisième année de licence, j’ai même failli tout abandonner. J’ai commencé à sortir, à profiter de la vie. Je me suis mis moins de pression, et finalement, c’est à ce moment-là que j’ai recommencé à faire de bonnes performances. Ça m’a même permis de décrocher une bourse pour aller étudier aux États-Unis. Et je suis parti.

Cette expérience outre-Atlantique a finalement été le déclic ?

D’un point de vue sportif, je ne pense pas avoir progressé là-bas. En revanche, ça m’a apporté une certaine ouverture d’esprit sur l’entraînement, car j’ai découvert d’autres approches, d’autres façons de s’entraîner. Mais je ne pensais plus au haut niveau à cette époque. Je vivais mon rêve américain, je faisais mes études, j’apprenais l’anglais et je ne pensais plus à la performance, ni à l’équipe de France. J’avais abandonné ces rêves du lycée.

Vous avez pourtant continué à courir…

Oui, pendant trois ans. Pour mon université et aussi parce que j’avais quand même l’idée de reprendre en rentrant en France. Mais une fois mon master en poche, j’ai décroché un visa de travail et je suis parti travailler à Chicago en octobre 2018 ? Et là, j’ai arrêté. Pendant six mois. C’était la première fois depuis mes 12 ans que je rangeais mes baskets au placard. J’en ai profité pour faire d’autres sports, du patin à glace, du badminton. Des sports que je kiffais et que je m’interdisais de faire auparavant.

Qu’est-ce qui vous a ramené à la course à pied ?

Mon entreprise (Middleby, où il avait un poste dans le marketing et l’événementiel, NDLR). J’avais mentionné dans mon CV que j’étais athlète et ils m’ont demandé de participer à un semi-marathon dans le Mississipi, six mois après mon arrivée. J’avais pris 10 kilos, je ne m’entraînais plus. Mais j’ai accepté et j’ai remporté l’épreuve en 1h14. Ils m’ont ensuite demandé de participer à une autre course inter-entreprises de 7 ou 8 km, et j’ai décidé de me remettre à l’entrainement en allant courir le soir après le travail. J’ai perdu mes kilos, repris le rythme et je me suis rendu compte que ça me faisait quand même du bien mentalement et physiquement. Je n’ai plus jamais arrêté.

Jusqu’à ce premier marathon en 2021, bouclé en 2h14’49 à Rennes. On est loin d’une simple pratique loisir…

Je suis rentré en Europe pour rejoindre Londres, afin de continuer à travailler pour mon entreprise américaine. Je me suis tout de même réinscrit à quelques courses et j’ai participé à un des cross de sélection pour les championnats d’Europe, fin 2019. Sans m’entrainer plus que ça, je me suis retrouvé entre Simon Denissel (7e) et Yohan Durand (11e), pas loin (10e) de ceux qui se sont qualifiés. Ça a été le déclic ! Je n’avais jamais été aussi proche d’une sélection. C’était le moment ou jamais, et j’ai démissionné de mon boulot pour tenter ma chance dans l’athlé.

Sans travail ni sponsor, comment avez-vous fait ?

Mes parents sont médecins. Ils m’ont proposé de faire du secrétariat médical pour me permettre de m’entraîner matin et soir. J’ai fonctionné comme ça pendant deux ans, jusqu’à ce premier marathon et ma sélection en équipe de France pour les Europe de cross en 2021 (30e).

À quoi ressemble votre quotidien désormais ?

Je pars beaucoup en stages ou sinon je suis chez moi, à Grenoble. Depuis un an, je n’ai plus besoin de travailler. J’arrive à vivre de l’athlétisme. J’ai un sponsor et je continue à en chercher d’autres. J’ai un coach, à Paris, Valentino Palmieri, mais il m’apporte surtout un soutien mental. Au niveau des entraînements, je préfère m’adapter aux athlètes avec lesquels je cours. Pour moi, le plus important est de m’entraîner avec des athlètes qui me tirent vers le haut. J’ai par exemple fait au Kenya de bonnes séances avec Nicolas Navarro et Mehdi Frère, deux athlètes que j’apprécie. Je suis aussi réserviste chez les militaires et je m’adapte donc à leur programme lorsque je pars avec eux.

Vous êtes une sorte d’électron libre, non ?

Complètement ! Je sais que pour progresser, j’ai besoin d’aimer ce que je fais. Si c’est trop cadré, ça ne me plait pas. L’entrainement, c’est déjà beaucoup de sacrifices. J’ai besoin de liberté. Ça m’a peut-être joué des tours quand j’étais plus jeune. Mais je sais que j’ai besoin de commettre des erreurs pour ne plus les reproduire. Je suis du genre têtu, à ne pas écouter les autres. Aujourd’hui, je ne pense pas que ça me coute au niveau de l’entraînement, mais psychologiquement, c’est comme ça que je me sens le mieux.

Qu’est-ce qui vous plait aujourd’hui dans la course à pied ? Quels sont vos objectifs ?

Progresser, repousser mes limites, voir jusqu’où je peux aller. Aujourd’hui, mon objectif est de me qualifier pour les Jeux olympiques. Je sais que quand je suis en forme, je suis capable de faire 2h08’. Mais ça dépendra aussi des résultats des autres Français. Il y a une grosse densité sur marathon aujourd’hui en France et je reste réaliste. Je ne veux pas me fixer des objectifs inatteignables. Je ne pense pas être capable de courir en 2h05’ un jour. En revanche, je sais que je suis fait pour le long. Donc j’essayerai peut-être le 100 km ou l’ultra pour tenter de disputer des Mondiaux dans une autre discipline. Mon rêve est de continuer à porter le maillot de l’équipe de France.

Propos recueillis par Véronique Bury

Rédaction J'aime Courir, le 07/03/2023 17:17:00
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