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Marjolaine Nicolas : « Je prends beaucoup de plaisir à sortir de ma zone de confort »

Son nom est apparu sans crier gare dans les résultats du marathon de Paris 2022. Deuxième Française en 2h35’43’’, trente secondes derrière Emilie Jacquot-Claude, Marjolaine Nicolas était jusque-là inconnue du grand public. Sans coach, sans véritable plan d’entraînement et sans licence. Depuis, la Bretonne de 30 ans a encore amélioré son record sur les 42,195 km en décembre dernier en 2h33’13’’ à Valence et a bouclé le semi de Paris le 5 mars en 1h13’20’’. Celle qui est médecin généraliste dans la vie a aussi fait la une de L’Equipe Magazine. Elle a aussi rejoint un club, l’Entente Athlétique du Pays de Brocéliande. Rencontre avec une athlète discrète au parcours atypique.

Votre performance lors du marathon de Paris l’an dernier était plus qu’inattendue pour les spécialistes. Avez-vous aussi été surprise ?

Quand je me suis inscrite, mon objectif était juste de faire moins de 3 heures. Donc, oui, j’ai été surprise. J’avais commencé à varier les allures sur les conseils d’un ami kiné et, au fil des semaines précédant le marathon, je m’étais rendu compte que je me sentais finalement à l’aise sur un rythme plus rapide. J’ai donc commencé à me dire que je pouvais peut-être viser 2h50, puis 2h45 et même 2h40. À l’arrivée, j’étais super contente de moi. J’avais pris beaucoup de plaisir pendant la course et je m’étais sentie hyper à l’aise. Mais je n’avais pas le sentiment d’avoir réalisé un truc extraordinaire C’est quand j’ai entendu que j’étais la deuxième Française que j’ai pris conscience que ce n’était pas rien. En revanche, je ne m’attendais pas du tout à tout ce que ça a déclenché après.

C’est-à-dire…

Il y a eu un engouement énorme autour de moi. Je me suis sentie très envahie. Même si les gens sont très gentils, je n’en pouvais plus de recevoir des messages et des demandes d’amis sur Facebook, les félicitations des journalistes, les sollicitations. J’ai trouvé tout ça très envahissant. Moi, je courais, simplement. Je ne faisais pas de compétitions. Je ne connaissais même pas le nom des athlètes, ni le record de France du marathon.

On ne réalise pas ce type de performance sans une certaine dose d’entraînement. Quelle est votre histoire avec la course à pied ?

J’adore courir depuis toujours. J’ai commencé au collège avec les premiers cross et, très vite, je me suis rendu compte que j’en avais besoin pour me sentir bien. J’ai donc augmenté progressivement les sorties. Au collège, j’allais courir une ou deux fois par semaine, le week-end essentiellement. Puis, je suis passée à trois ou quatre footings hebdomadaires de 10 à 12 km au lycée, et encore plus quand je suis entrée en fac de médecine. J’en éprouvais vraiment le besoin. Mais je n’ai jamais couru avec l’envie de performer.

Au collège, vous excelliez en cross, mais vous n’avez pas persévéré dans cette voie…

En sixième, j’ai participé aux cross départementaux et régionaux, mais j’ai détesté le coté compétition, tout ce monde sur la ligne de départ. Je trouvais ça trop anxiogène et trop stressant. Je ne courais pas pour gagner et ça m’a mis la pression. J’avais peur de mal faire. J’ai donc décidé d’arrêter et de continuer à courir pour moi.

Qu’est-ce qui vous plaisait dans la course à pied ?

Ça me faisait du bien. Comme j’habitais à la campagne et que je n’étais pas forcément tout près de mes camarades d’école, j’allais courir seule sur les routes à travers les champs. Ca me permettait de me détendre et de débrancher des soucis du quotidien. Quand j’étais à la fac de médecine, ça me permettait aussi d’aller me défouler en me sortant la tête des bouquins. Encore aujourd’hui, c’est ce qui me plait et ce dont j’ai besoin. Je cours tous les jours, généralement très tôt le matin, vers 6 heures, et ça m’apporte un bien-être physique et mental indispensable.

Pourquoi avoir épinglé un dossard pour un premier semi-marathon en 2014 ?

Un ami s’était inscrit et m’a proposé de l’accompagner. Comme c’était de la route, je me suis dit ‘’pourquoi pas’’. D’autant que quelques mois auparavant, j’avais déjà participé à une première course avec mon frère ainé. Un 16 km si je me souviens bien, près de Nantes. Un peu plus tard, j’ai aussi accepté d’aller courir à Angers sur les conseils de mon deuxième frère. Je suis toujours stressée sur la ligne de départ, mais une fois lancée, je prends beaucoup de plaisir à sortir de ma zone de confort. Je suis aussi fière de réaliser des performances pas trop mal. C’est sans doute ce qui m’a donné envie de continuer à faire une course par an.

Après plusieurs participations au semi-marathon de Rennes, vous vous êtes essayé au marathon, en 2018, avec un chrono de 3h04’36’’. Quel souvenir en gardez-vous ?

J’avais trouvé ça très difficile, beaucoup plus dur qu’à Paris l’an dernier. Il y avait beaucoup de vent. Mais bizarrement, c’est une expérience que j’ai appréciée. On passe par tellement d’émotions différentes sur un marathon ! Quand on est dans le dur, on s’interroge et on se demande ce qu’on fout là. Et puis, tout à coup, il y a un regain d’énergie et on retrouve la pêche. C’est peu commun comme sensation et c’est ce qui m’a donné envie de recommencer. D’ailleurs, je me souviens encore d’une phrase que le speaker m’avait lancée sur la ligne d’arrivée, en apprenant que c’était ma première participation. Il m’avait dit : « Le marathon, c’est comme les cacahuètes : quand on commence, on ne peut plus s’arrêter. » Ca m’avait marqué et il a raison. Lorsqu’on franchit la ligne d’arrivée, on se dit que c’était trop dur, horrible… Et puis finalement, peu de temps après, on a quand même envie d’y retourner.

Vous avez amélioré votre record de plus d’une demi-heure à Paris, avant de poursuivre votre progression à Valence. Qu’avez-vous changé à vos sorties pour progresser ainsi ?

Ça faisait plusieurs années que mon ami kiné, Grégory, avec qui j’avais participé à ce premier marathon, me tannait pour que je varie les allures. Je pensais que ça ne servait à rien et je ne l’écoutais pas. Et puis, en 2021, j’ai vécu une année difficile et j’ai eu envie de changements. J’ai donc accepté de suivre ses conseils et j’ai commencé à faire des footings un peu plus rapides. Comme j’étais à l’aise, je me suis dit que je pouvais peut-être progresser en changeant un peu les choses et j’ai essayé de courir sur des allures marathon. Plus ça allait et plus j’accélérais. Mais je n’ai jamais fait de séances sur piste. Mon ami me connaissait très bien. Il savait que je n’en aurais pas envie.

Vous n’avez donc jamais eu envie de prendre une licence dans un club ?

J’y ai pensé, parfois. Mais je savais que les entrainements avaient lieu le soir et sur une piste. Or moi, ce que j’aimais, c’était courir tôt le matin et sur les routes de campagne. Ça ne me correspondait pas. Je ne voyais pas l’intérêt de m’inscrire dans un club pour ne pas y aller. Et puis, j’avais peut-être aussi un peu peur que l’on me mette la pression en me disant ce qu’il fallait faire. Je voulais continuer à courir au feeling et je n’avais pas envie que ça devienne une contrainte.

Vous avez pourtant rejoint l’EA Pays de Brocéliande en 2022. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

Charles Delys, un athlète de l’EAPB que je connaissais car il m’avait déjà soignée en tant que kiné. Quand j’ai commencé à faire de bons chronos, c’est lui qui m’a convaincue que je ne pouvais pas rester sans licence. Non seulement, ça pouvait me permettre de valider mes performances. Mais il m’a assuré que ça m’apporterait aussi des choses, même si je voulais continuer à fonctionner à ma façon. J’ai hésité un moment, mais comme je connaissais plusieurs personnes dans ce club et qu’on m’en avait dit du bien, j’ai fini par sauter le pas et j’y vais généralement le jeudi soir.

Qu’est-ce que ça vous apporte aujourd’hui ?

Ça m’a permis de découvrir les séances sur piste. Moi qui étais plutôt réfractaire au tartan, je trouve finalement assez grisant d’aller vite et de découvrir des allures qu’on n’imaginait pas pouvoir tenir, même sur de courtes distances. Au-delà de ça, le club m’a permis de retrouver de l’assurance, grâce à la bienveillance et aux bons conseils de Jean-Paul Couetil, un des coaches du club, qui me donne des conseils tout en me laissant une grande liberté dans ma façon de fonctionner. Sur la préparation du semi, il m’a par exemple donné un petit plan d’entraînement avec des allures spécifiques à intégrer à mes sorties longues.

Qu’est-ce que vos récents résultats ont changé dans votre pratique de la course à pied ?

Je fais plus de courses, un peu de piste, et je pense davantage compétition. Même si ça me stresse toujours autant, je me rends compte que je suis quand même une compétitrice, dans le sens où j’ai envie de progresser et de faire les choses bien. Je pense que j’y prends goût. Mais ça n’a pas changé ma façon de vivre la course à pied. Mon métier, c’est médecin. Je ne suis pas une athlète de haut niveau.

Avec de telles performances, vous pourriez vous projeter sur une sélection pour les Jeux olympiques. Ça ne vous fait pas rêver, même un peu ?

Pour Paris, les minima devraient être autour de 2h28 ou 2h27 (2h26’50’’ finalement ; NDLR). Je n’en suis pas là. Il y a beaucoup de Françaises qui courent bien et mieux que moi. Bien sûr, j’aimerais bien améliorer encore mon record sur marathon. Si j’avais terminé en 2h30’ à Valence, peut-être que ça aurait changé les choses. Mais pour l’instant je ne suis pas du genre à m’emballer. Je suis loin des minima. Il faut rester humble.

Propos recueillis par Véronique Bury
Crédit photo : Presse Sport : Bernard Le Bars / Stadion

Rédaction J'aime Courir, le 28/03/2023 12:58:00
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