La pétillante sociétaire de l’Entente des Mauges, âgée de 30 ans, a retrouvé l’équipe de France en décembre 2022 lors des championnats d’Europe de cross-country, puis en juin 2023 à l’occasion des Mondiaux de course en montagne. Cela faisait sept ans qu’elle n’avait pas enfilé le maillot tricolore. Entre-temps, elle a fait un tour du monde, déménagé à Font-Romeu et changé de coach. Rencontre avec la nouvelle Cécile Jarousseau.
Vous avez retrouvé le maillot de l’équipe de France lors de la saison 2022-2023, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Ça fait énormément plaisir ! J’appréhendais un peu car ça faisait longtemps, sept ans je crois (elle avait été sélectionnée à six reprises en juniors et espoirs). Je ne connaissais plus grand monde et j’avais peur de ne plus me sentir à ma place. Mais j’ai aussi retrouvé Marie Bouchard, une super pote, et ça s’est super bien passé. Aux championnats d’Europe de cross, on avait une super équipe de nanas et le groupe était génial. On s’est beaucoup mélangé et ça m’a fait un bien fou de replonger cette ambiance. Ça donne envie de continuer.
Après les Europe de cross, vous avez enchainé avec un titre de championne de France de course en montagne et terminé 9e en individuel et 3e par équipes aux Mondiaux. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans cette discipline ?
J’habite à la montagne depuis quelques années et, à force de m’entraîner sur des chemins avec du dénivelé, j’ai eu envie de tester. Petite, je passais déjà mes étés en haute montagne avec mon oncle et ma tante, qui sont gardiens de refuge. C’est un milieu dans lequel j’ai toujours eu envie d’évoluer. Mais quand tu es athlète, la plupart du temps, tu fais plutôt du cross ou de l’indoor l’hiver, et de la piste l’été. En tous cas, j’ai été dans ce moule-là pendant une quinzaine d’années avant de changer de coach en arrivant à Font-Romeu. Pierre Pontivi est beaucoup moins « traditionnel » et, quand je lui ai parlé de mes envies de changement, il a tout de suite accepté. Je devais même déjà faire de la course en montagne en 2022, mais je m’étais blessée. Au fond de moi, je savais que j’allais aimer, mais peut-être pas à ce point-là. Ça a vraiment été une super découverte.
Qu’est-ce qui vous a incité à vous installer à Font-Romeu en 2020 ?
Ça s’est décidé sur un coup de tête. Après mes études, de 2016 à 2018, j’ai voyagé autour du monde avec mon copain. En 2020, j’avais envie de repartir, mais le Covid m’en a empêchée. J’ai donc décidé d’effectuer la traversée des Pyrénées et j’ai adoré. Comme j’avais déjà une sœur là-bas et que mon copain y avait fait ses études, je me suis dit : pourquoi ne pas m’y installer ? J’ai toujours aimé la montagne. Je savais que je finirais par y habiter un jour.
En partant voyager autour du monde, aviez-vous envisager de reprendre l’athlétisme à votre retour ?
Je comptais m’y remettre, mais je n’imaginais pas revenir si vite. J’avais été vraiment à fond dans l’athlé jusqu’en 2015, avant de commencer à me blesser avec des fractures de fatigue et une douleur au tendon d’Achille. Quand un ami nous a lancé cette idée de tour du monde lors d’un stage au Kenya, c’était juste une boutade. Mais l’idée a germé et s’est transformée en véritable projet. Je pense que c’était le bon moment pour moi. Je terminais mes études, j’en avais marre de me blesser et d’avoir mal à l’entrainement. Certes, d’un point de vue sportif, ce n’était peut-être pas l’idéal de partir à 23 ans et de faire une croix sur ce que j’avais entamé, mais je pense que j’en avais besoin. Et je ne le regrette absolument pas aujourd’hui.
Revenons sur vos débuts, comment avez-vous découvert l’athlé ?
J’ai commencé en accompagnant ma petite sœur à un entraînement. En la voyant lancer des vortex, j’ai trouvé ça sympa et ça m’a donné envie. Peu à peu, je me suis fait un groupe d’amis côté demi-fond et j’ai continué. Je n’étais pas la meilleure du groupe, plutôt la coéquipière qu’on emmène pour compléter l’équipe. Les résultats sont arrivés plus tard parce que je me suis acharnée. Vers 14-15 ans, j’ai commencé à m’entrainer un peu plus et j’ai fini par participer aux FISEC Games, les Jeux internationaux des écoles privées. Un super souvenir qui m’a donné envie de continuer à progresser. Je suis ensuite entrée à la fac à Angers et, comme j’avais du temps, j’ai bourriné ! Un peu trop peut-être ? En tous cas, mon corps a commencé à en pâtir.
Pourquoi êtes-vous revenue à l’athlé finalement ? Qu’est-ce qui vous plait ?
C’est un vaste sujet ! Je pense que je me sens foncièrement vivante quand je cours, ça me fait énormément de bien. Se sentir respirer, avoir son corps en mouvement, ces sensations : c’est comme une reconnexion à soi et j’aime beaucoup ça. Quand j’étais plus jeune, je pense que je faisais de l’athlé plus pour le fun et voir les potes. C’était un moyen de sociabilisation. C’est d’ailleurs encore un aspect que j’apprécie dans ce sport : faire partie d’un groupe, se marrer avec des potes, forger de supers amitiés. La souffrance dans l’effort nous rapproche et explique sans doute que l’on y tisse des liens hyper forts et solides entre nous.
Vous travaillez en parallèle de la course à pied. A quoi ressemble votre quotidien ?
Le matin, je me lève et je vais courir ou faire du vélo. L’après-midi, je bosse. Et le soir, je vais voir le kiné. Actuellement, je mène plusieurs projets professionnels. Je travaille dans une petite librairie-café à Font-Romeu, tout en me préparant à passer le test probatoire d’Accompagnatrice en moyenne montagne. J’accompagne également une amie qui vient d’ouvrir une petite maison d’édition, en lisant et corrigeant les manuscrits des auteurs. Côté entraînement, je cours avec mon groupe deux à trois fois par semaine lors des séances clés sur piste et pour la sortie du week-end. Et le reste du temps, je suis libre de courir seule ou avec d’autres personnes. J’essaie aussi de varier en faisant du ski de fond l’hiver et du vélo. Et quand je ne bosse pas, je double avec une petite séance de récup’ ‘’tranquilou’’ de 40 minutes.
Malgré l’éloignement, vous êtes restée licenciée au club de l’Entente des Mauges, où vous avez commencé…
C’est un attachement qui dure depuis 20 ans. J’ai commencé là-bas, je m’y suis fait des amis, j’y ai trouvé une petite famille. C’est le club de la commune où j’ai grandi. Mes parents y sont encore et j’y ai conservé beaucoup de liens, même si j’ai déménagé et changé de coach. C’est un club qui ressemble à l’athlé que j’ai envie de vivre : simple, nature et amical.
Et à Font-Romeu, avec qui vous entraînez-vous ?
Je fais partie du groupe « TRI.DU.A », qui regroupe trois activités : le triathlon, le duathlon et l’athlétisme. C’est vraiment chouette et ça permet de s’entraîner avec des gens qui pratiquent d’autres disciplines. On échange énormément et on fait pas mal d’entraînement croisé. Ça nous permet aussi d’accéder à la piste du CREPS de Font-Romeu. J’ai rencontré mon coach grâce à Marie Bouchard et on a commencé à travailler ensemble en 2020.
Comment imaginez-vous la suite de votre carrière ?
Ça va être compliqué de faire mieux ! Je me suis mis une grosse pression sans le vouloir. Et pour tout vous dire, je n’ai aucune idée de la suite. Je vis vraiment au jour le jour. Je n’aime pas trop me donner des objectifs. Je veux rester dans le moment présent, la fraicheur et la spontanéité. La seule chose qui est sûre, c’est que je vais continuer le cross l’hiver, parce que j’aime ça. La route aussi me titille un peu. Mon copain est marathonien et j’ai envie d’essayer. D’autant que ce n’est pas incompatible avec la montagne. Car j’ai bien envie de refaire aussi les France dans cette discipline l’année prochaine, en essayant de progresser.
Et le trail, ça ne vous tenterait pas ?
Je sais très bien que c’est un truc que j’adorerais. Mais je retarde l’échéance, car je me dis que si je tombe dedans, je n’arrêterai plus. Je me le garde pour plus tard. J’ai encore le temps, je pense.
Vous dites aussi que la Cécile Jarousseau d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle d’hier… celle d’avant le tour du monde. En quoi êtes-vous différente ?
Je pense que je suis moins stressée et que j’ai un peu plus confiance en moi, peut-être parce que je suis bien entourée. Je crois surtout que ma manière de voir l’athlétisme a changé depuis mon tour du monde. Je suis moins dans l’optimisation de la performance et ça me correspond mieux. Je me prends beaucoup moins la tête, c’est le plaisir qui prime. Mon objectif n’est pas de chercher à obtenir plus de résultats. Je sais qu’ils viendront par eux-mêmes, si je prends du plaisir avec mes potes.
Propos recueillis par Véronique Bury
Crédit photos : Rémi Blomme et Gwendal Hamon/Capture My Sport