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Aurélia Truel : « Tout le monde devrait faire du sport ! »

Aurélia Truel a longtemps jonglé entre le hand et l’athlé avant de se découvrir une passion pour la course en montagne et le trail. Membre de l’équipe de France de 2009 à 2016, elle continue d’accrocher des dossards, tout en partageant sa passion avec les membres de son club. Son rêve ? Finir sur un podium chez les masters pour ses 50 ans l’année prochaine.

On vous a aperçue lors des derniers championnats de France de cross à Cap’Découverte, où vous avez terminé à la cinquième place chez les masters 2. C’est un rendez-vous que nous ne ratez jamais ?

C’est vrai qu’à mon âge (49 ans), on pourrait se dire « Maintenant, j’arrête », mais l’envie est toujours J’éprouve toujours le même plaisir que lorsque j’étais cadette à participer aux championnats de France de cross. C’est une compétition qui a toujours été particulière pour moi, car contrairement à d’autres championnats, elle réunit vraiment toutes les disciplines : les pistards, les coureurs de fond, les traileurs. C’est la fête et c’est un bon exercice pour toutes les disciplines. J’ai toujours aimé le cross et j’en ai toujours fait, même si cette année a été très différente des années précédentes.

C’est-à-dire ?

J’ai perdu mon père, une heure avant les Régionaux, à Valence. Je l’ai su à 13h30 et je courais à 15h. J’aurais très bien pu ne pas courir et être prise au repêchage, mais j’ai quand même voulu prendre le départ parce que la course à pied, c’est ma vie. J’ai ensuite enchaîné la saison avec les moyens du bord et tous les-à-cotés que l’on doit gérer avec le deuil. Je tenais à aller au bout, même si je n’avais pas les moyens de faire un podium avec tout ce qui s’était passé. Mais cela m’a aidé, énormément. Cela m’a permis d’avoir un objectif tous les 15 jours, quelque chose à quoi me raccrocher pour traverser ce deuil. Ce n’est pas rien de perdre un parent. J’ai deux frères et je pense que mon deuil se passe mieux parce que j’ai le sport.

Comment la course pied est-elle entrée dans votre vie ?

J’ai commencé l’athlé avec deux copains à l’âge de 8 ans. On avait de bons éducateurs et on adorait ça. J’ai ensuite arrêté un ou deux ans, en minimes, pour faire du hand, puis j’ai repris en faisant les deux en parallèle pendant dix ans. À l’époque, je venais surtout pour l’ambiance, je faisais des compétitions, mais je n’étais pas exceptionnelle ! En revanche, je jouais beaucoup au hand. Parfois, j’avais deux matches le samedi et un cross le dimanche matin. C’est sans doute pour cette raison que j’ai eu plus de facilités sur les épreuves d’endurance.

Qu’est-ce qui vous a fait arrêter le hand pour la course à pied ?

Ma petite taille ! Je mesure 1,53m. C’était un frein pour atteindre le haut niveau. Les entraîneurs préféraient prendre des nanas qui mesuraient 1,80 m. J’ai quand même continué à jouer jusqu’en espoirs avant de raccrocher et me consacrer uniquement à la course à pied. Au départ, je faisais surtout les cross l’hiver et du 1500 m et du 3000 m sur la piste l’été. A l’époque, on commençait la route beaucoup plus tard. J’ai fait mon premier semi-marathon, en 1h16’50, en 1996 et j’ai découvert la course en montagne deux ans plus tard.

1998, c’est l’année de votre première sélection en équipe de France de course en montagne. Vous êtes ensuite passé au trail quelques années après, où vous avez excellé en remportant quatre titres de championne du monde avec l’équipe de France. Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?

Le partage. L’équipe de France de trail, entre 2009 et 2016, c’était un peu comme une grande famille. Que ce soit les gars ou les filles, on s’entendait tous très bien. Il y avait moins de moyens qu’aujourd’hui mais il y avait beaucoup de respect entre nous. On se connaissait tous, parents, conjoints, amis, et on était toujours très heureux de se retrouver en stage ou sur les championnats. C’est une période que j’ai vraiment adoré en plus de porter le maillot de l’équipe de France. Car c’est quand même autre chose que celui du club. On représente la nation. Le plus important pour nous, c’était le résultat par équipes. On savait qu’en courant pour le collectif, les résultats individuels viendraient aussi et c’est ce qui s’est passé ! Ma médaille d’argent aux championnats du monde 2013 reste mon meilleur souvenir. Même si j’ai fini deuxième derrière Nathalie Mauclair, j’étais heureuse du travail que j’avais accompli. Je n’ai qu’un regret aujourd’hui, celui de ne pas avoir participé aux Jeux olympiques. Quand on court le semi en 1h16’ en U23, on devrait logiquement être capable d’être sélectionnée en seniors sur marathon. Mais après cette performance, en 1996, je me suis blessée et je n’ai pas vraiment été aidée, ni suivie comme il l’aurait fallu. C’est mon seul regret en tant qu’athlète.

Revenons au trail. Qu’est-ce qui vous avait plu dans cette discipline ?

J’ai arrêté la piste pour le trail à 23 ans, car j’en avais marre de tourner en rond. Je n’en avais plus envie, ou alors il aurait fallu que je fasse du steeple. Mais ce n’était pas encore possible pour les femmes à ce moment-là. Le trail, en revanche, était beaucoup plus ludique. On partait courir dans la nature, au milieu des chamois et des paysages splendides. Il y avait aussi les voyages et le fait de rencontrer d’autres personnes. Ce partage… C’était beaucoup plus varié que la piste. C’est d’ailleurs aussi pour cette raison que j’ai toujours aimé le cross. Il n’y a pas de montre, pas de chrono. On court plus à la sensation et on joue davantage la place en compétition. C’est ce qui me plait. Même à l’entraînement, je fonctionne toujours ainsi, au feeling. J’ai une montre, mais elle me sert juste à ne pas oublier de boire tous les quarts d’heure.

Quelle place accordez-vous aujourd’hui à la course à pied ?

Je mets moins de dossards, mais je cours toujours, presque tous les jours. J’entraine aussi, à Nyons, dans la Drôme, où je vis désormais. J’aime bien partager mon savoir et mon expérience. J’anime aussi quelques stages quand on me le propose. Le reste du temps, je travaille à 80% en tant qu’agent d’entretien en espaces verts, principalement le matin, entre 6h et 12h. Je pense que même sans compétitions, j’irais toujours courir. C’est ma passion et bien plus encore : ma façon de vivre. Il y a tellement longtemps que je cours, c’est comme-ci c’était ancré en moi. Cela fait partie de mon quotidien et de mon hygiène de vie.

Qu’est-ce que cela vous a apporté et vous apporte encore aujourd’hui ?

Un équilibre. Tout le monde devrait faire du sport, ou en tous cas avoir au moins une passion. Quand j’étais jeune, cela m’a appris le respect et la rigueur. Le fait de savoir que rien n’est jamais simple. Cela m’a beaucoup aidé dans la vie de tous les jours. L’endurance aussi, notamment pour mon travail. Quand je fais 4 à 5h de tondeuse d’affilée, je ne suis pas fatiguée ! Aujourd’hui, en plus de me faire du bien à la tête, cela me permet de rester en forme. C’est quand même mieux que de rester devant la télé !

Vous n’êtes pas la dernière non plus pour vous investir en tant que bénévole…

Je ne suis pas qu’une consommatrice de dossards. J’aime bien aussi faire partie de l’organisation, que ce soit sur la course que l’on organise en octobre avec mon club, ou lors des championnats de France de trails. Je pense d’ailleurs que tous les coureurs devraient être bénévoles au moins une fois dans l’année pour se rendre compte de l’envers du décor. D’autant que l’on a aussi de plus en plus de mal à trouver des personnes.

À bientôt 50 ans, y-a-t-il encore un dossard que vous aimeriez particulièrement accrocher ?

J’ai toujours des envies au fond de moi et j’ai conscience qu’il ne me reste plus beaucoup d’années à pouvoir m’entraîner aussi régulièrement. Cela devient plus compliqué avec l’âge. On récupère moins vite et on ne peut plus effectuer les mêmes séances, notamment en fractionné. Mais j’aimerais bien refaire un bon championnat de France en visant un podium en masters 3 et pourquoi pas essayer de faire un ultra-trail un jour. Mais pas l’UTMB. Cette course ne m’a jamais fait rêver. J’y suis allée plusieurs fois. J’ai même géré les ravitaillements de Maud Gobert (championne du monde 2011) à trois reprises, mais cela ne m’a jamais attirée. Il y a trop de monde à mon goût. C’est devenu un business, je préfère les courses plus familiales, où les responsables passent leur temps à s’en occuper. J’y réfléchis donc en me disant que ce serait bien pour mes 50 ans. Comme une finition, une manière de refermer la boucle. Les années passent et je pense qu’à un moment donné, comme une machine à laver, je finirai par être trop fatiguée ou trop usée pour continuer à mettre des dossards. En revanche, je suis certaine d’une chose : j’irai toujours courir, sans dossard mais avec d’autres personnes. Ne serait-ce que pour le plaisir de partager une belle balade, ou mon expérience, tout simplement.

Propos recueillis par Véronique Bury

Rédaction J'aime Courir, le 11/09/2024 20:44:00
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