J’aime Courir poursuit sa série consacrée à des séances clés, racontées par leurs acteurs principaux. Aujourd’hui, Stéphanie Gicquel nous décrit un entraînement effectué en altitude près de Font-Romeu en novembre 2024, un mois avant de battre le record de France des 24 heures sur piste (249,33 km) à Phoenix (États-Unis). A noter que la sociétaire de l'Entente Puc Stade Français a remporté, le samedi 27 juin à Vannes, le Grand Raid de l'Ultra Marin pour la quatrième fois.
LE PROGRAMME
Cinq heures de course à 11,9 km/h
Après une séquence de trente minutes d’étirements de tous les groupes musculaires effectuée dans la matinée, Stéphanie Gicquel doit courir durant cinq heures à sa vitesse spécifique ‘’24 heures’’, soit une allure à 11,9 km/h, sur un parcours de 400 m. Elle a fini sa journée par une grosse heure de marche pour éliminer les douleurs et raideurs musculaires.
OÙ ET QUAND
Le lundi 11 novembre entre 12h et 17h non loin de Font-Romeu, au niveau du parking du camping du Petit Canada sur le Pla de Barrès, à 1650 mètres d’altitude, sur un circuit de 400 m mêlant trois types de surface, bitume béton et herbe. Le soleil a accompagné le début de la séance, avant que le ciel ne se couvre et que le vent se lève. Il faisait frais et même « froid » (4 degrés) en fin d’après-midi.
LE CONTEXTE
Cette séance concluait un stage de trois semaines à Font-Romeu. Elle avait été placée à la fin d’une semaine particulièrement chargée avec un kilométrage de 260 km, au cours de laquelle Stéphanie Gicquel avait enchainé de nombreuses sorties longues entre 25 et 45 km. C’est Jeremy, son conjoint, qui est venu l’épauler pour le ravitaillement. Mais Stéphanie a couru seule pendant toute la séance, afin de « reproduire mentalement » ce qu’elle « serait amenée à vivre le jour de la course ».
Après cette séance, elle a levé le pied pendant deux jours, avant de prendre son vol le jeudi pour les États-Unis. « Il fallait récupérer du stress de l’altitude avant d’être confronté au stress de la chaleur ». Une fois arrivée à Phoenix, elle a remis du volume avec une première semaine à 200 km et une séance de 100 km dans une réserve naturelle à 11,5 km/h. « Au départ je devais parcourir 100 miles (160 km), mais j’ai été foudroyée par la chaleur ! » Elle a également effectué une deuxième sortie de cinq heures le 1er décembre, mais de manière plus isolée et sans travail de pré-fatigue préalable, si ce n’est celle de la chaleur du quotidien. Après un kilométrage de 260 km la semaine du 25 novembre, elle est redescendue à 150 km les sept jours précédant sa course.
LES SENSATIONS DE STÉPHANIE GICQUEL
« De manière générale, il est très difficile de se préparer à la fin de course d’un ‘’24 heures’’. On pourrait faire des sorties très longues de 12 heures, mais ça nécessiterait de la récupération un peu avant et après, ce qui couperait la logique de l’entraînement tout en laissant des traces. On préfère donc jouer sur l’accumulation des sorties longues en amont, afin de partir sur des séances plus courtes de 5 heures en étant déjà entamée.
Ce jour-là, il y avait donc pas mal de fatigue dans les jambes. Mais malgré une semaine bien intense, je me sentais moins fatiguée que dans des configurations similaires déjà vécues par le passé. En revanche, c’était la première fois que je partais sur une allure aussi rapide pour ce type de séance. En 2022, avant mon record aux 24 heures de Vérone (253,8 km sur route), j’étais sur une base de 11,2km/h (contre 11,9km/h lors de cette séance). Je n’avais pas trop d’appréhension car j’avais déjà pas mal travaillé sur cette allure lors de sorties préalables de 3h ou 4h. J’ai d’ailleurs parfaitement réussi à me mettre dans le rythme dès le début. Ça m’a mis en confiance, car c’est très important de courir à la seconde près au tour.
En revanche, ça a été un peu plus compliqué sur la fin, à cause du froid mais aussi de la monotonie du parcours. J’étais dans le dur physiquement, mais aussi et surtout mentalement, car ça faisait déjà pas mal de fois que je venais sur ce circuit. Il a fallu que je mette en place des schémas mentaux pour tenir le coup. J’ai aussi utilisé un peu de musique lors des deux dernières heures, pour garder le rythme et de la fréquence de foulée.
Cette séance a été très importante pour moi, car elle m’a permis de revivre des moments compliqués que j’avais déjà connus en compétition, ce qui m’a servi à me projeter avec humilité sur la course qui m’attendait. J’ai aussi senti, ce jour-là, que j’étais forte par moments et que j’étais bien. Ça m’a réconfortée et mise en confiance, d’autant plus que la préparation avait été plus courte que prévue. »
À VOUS DE JOUER
Jérémy Cabadet, coach de Stéphanie Gicquel, décrypte la séance de son élève et donne les clés à ceux qui souhaitent s’en inspirer.
« L’objectif de cette séance est de travailler l’allure spécifique visée, sur un état de fatigue similaire à celui que l’athlète pourrait ressentir après une quinzaine d’heures de course. Pour qu’elle soit pertinente, il est donc important d’effectuer une grosse charge de travail en amont, afin de créer cet état de pré-fatigue. Cette séance permet de vérifier que l’on est capable de tenir ou non à l’allure que l’on vise et de l’ajuster si besoin. Généralement, on la place quatre à cinq semaines avant le ‘’24 heures’’, afin de laisser au corps le temps de bien récupérer.
Elle s’adresse à la majorité des coureurs de ‘’24 heures’’, mais il est important d’adapter le contenu en amont à son niveau et son emploi du temps. En fonction de son niveau, on peut effectuer une séance de côtes pour dégrader un peu les fibres musculaires, et une autre à allure marathon. L’idéal étant de pouvoir effectuer au minimum une dizaine d’heures de sport dans la semaine avant cette séance.
Ne serait-ce que pour l’aspect mental, il est très important, selon moi, de courir un ‘’5 heures’’ avant de se lancer sur un ‘’24 heures, même si on peut aussi très bien prendre le départ d’une compétition intermédiaire, comme un 100 miles. Car ce type d’entraînement permet de prendre conscience de ce que ça va être de courir aussi longtemps sur une boucle aussi petite. Le corps et le cerveau apprennent à lâcher prise. »
Véronique Bury pour J'aime courir