Les ponts entre les deux disciplines sont encore rares, et c’est sans doute un tort : la marche athlétique et la course à pied peuvent faire bon ménage, et apporter un vrai plus aux coureurs, qu’ils soient débutants ou confirmés. Les explications de Yohann Diniz.
Depuis quelques années – et l’on rendra grâce aux succès de Yohann Diniz en la matière – plus grand monde n’écarquille les yeux quand, sur un chemin de footing, on voit passer un marcheur ou une marcheuse athlétique, geste chaloupée et jambe avant tendue. Mais la discipline reste encore souvent réservée aux spécialistes, qui pratiquent en club, parfois dans l’optique de la compétition. Pourtant, les amateurs de running pourraient trouver bien des avantages à s’essayer, ponctuellement, à la spécialité.
En reprise

« Cela peut aider quand on est un peu lassé de courir, qu’on a envie de faire autre chose. C’est aussi utile en reprise, où j’aime bien, pour ma part, alterner course et marche », estime justement Yohann Diniz, champion et recordman du monde du 50 km marche, capable d’avaler un marathon en 2h50 en marchant… Pourquoi ne pas imaginer un coureur faire de même ? En respectant, bien entendu, les règles de base : pas de suspension, et une attaque du pas par le talon, jambe tendue jusqu’au passage sous le bassin. Pas simple, certes. Mais essayer, au moins, mérite le détour.
Gainage et renforcement
« Bien sûr, le geste n’est pas naturel, et cela demande d’être disponible, mais tous les muscles fonctionnent, du coup jusqu’aux orteils, vante le champion français. C’est pour cela d’ailleurs que la FFA promeut la marche sous toutes ses formes, comme la marche nordique également : cela fait vraiment travailler tous les muscles. C’est assez exigeant. »
Et personne ne se plaindra si les zones sollicitées ne sont pas toujours exactement les mêmes entre les deux disciplines, marche et course : l’équilibre musculaire général du corps et sa capacité d’adaptation n’en seront que renforcés. « Pour les débutants, c’est une préparation musculaire intéressante, on travaille le jambier antérieur ou d’autres muscles qu’on na pas l’habitude de travailler. » Gainage, posture, concentration : le geste du marcheur présente des qualités communes à toutes les spécialités, et qui s’avéreront donc utiles en courant.
Mieux encore : il peut permettre de s’entraîner quand courir n’est plus possible…
Une alternative
« Yohann Durand (ndlr : international français, 2h14’ sur marathon), en a fait plusieurs sessions, après quelques pépins physique, pour rebooster son cardio, de manière différente, en sollicitant moins certains muscles », se souvient Yohann Diniz.
C’est l’un des autres avantages de la marche : le geste permet, en épargnant ou en sollicitant moins ou différemment certaines zones que la course (quadriceps, tendons d’Achille…), de s’entraîner et d’effectuer un réel travail cardio-vasculaire sans ressentir certaines douleurs ou gênes.
« J’allais parfois en stage avec Vincent le Dauphin (ndlr : ancien international sur 3000 m steeple) et Mehdi Baala (médaillé olympique du 1500 m), et Vincent avait fait toute une partie de sa rééducation, après sa rupture du tendon d’Achille, en marche athlétique. Et il avait conservé ensuite une séance de marche par semaine dans son entraînement. »
Fréquence et dépense
Les passerelles entre les deux spécialités existent donc bel et bien. « Des marcheurs comme Thierry Toutain étaient aussi d’excellents coureurs, certains capables de courir en 2h20 sur marathon », pointe Yohann. En la matière, la fréquence gestuelle acquise à la marche peut se révéler un vrai atout. La fréquence du pas du marcheur est en effet supérieure de 40 % environ à celle de la foulée du coureur. Cette répétition d’appuis joue, évidemment, sur l’énergie dépensée, et donc sur le travail cardio-vasculaire.
« J’ai marché une fois sur un marathon en 3h15’, raconte le sociétaire de l’EFSRA Reims. Dominique Chauvelier m’accompagnait. Il m’a dit qu’il n’aurait jamais imaginé que la marche induisait une telle vitesse gestuelle, et donc dépense physique, à cause de la rapidité d’exécution du geste et de l’utilisation des bras. » Une qualité qui sera forcément réinvestie sur le course pour qui prend le pli de marcher, de temps à autre. Reste à adopter le bon geste, ou a minima à essayer. N’hésitez pas, lorsque vous croiserez un marcheur sur un prochain footing, à lui demander conseil…
Cyril Pocréaux pour J’aime courir
« Il n’aurait jamais imaginé que la marche induisait une telle vitesse gestuelle, et donc dépense physique. »